Deux enfants en balade

Maelle avait déserté la cérémonie de mariage avec Gabriel. Ce n'était guère intéressant et le temps commençait à être long pour les deux enfants. Maelle avait donc décidé pour deux qu'il était grand temps d'aller se promener. C'est ainsi que portant le petit garçon qui n'arrivait pas encore à tenir le rythme, les deux enfants traversaient le château de Beaumont. Est ce que tout le monde se trouvait dans la chapelle? Il devait rester ici les domestiques, finissant de préparer sans doute la grande salle pour les festivités. Et puis la fillette pensa aussi à Yvane qui devait attendre dans quelques recoins. Elle tripota son pendentif, en traversant le hall, en direction du salon.

Elle traversait le hall pour aller dans le salon. Elle marchait d'un pas décidé, portant toujours le petit dans ses bras. Quand elle l'aperçut. Elle s'arrêta net, n'en croyant pas ses yeux. Ce n'était pas lui, pas possible... Elle se pencha un peu sur le côté, pour mieux voir. Gaby agitait les bras vers son oncle, il l'avait reconnu lui aussi.
Un sourire vient éclairer son visage et elle courut vers lui, le plus vite possible que lui permettait le poids du petit garçon.

- Crox!

Arrivée près de lui, elle posa le garçonnet par terre et enlaça fort la taille du jeune homme.

- Y a tout le monde qui m'a dit que tu étais parti loin et que même tu étais mort! C'est pas vrai, c'est tous des menteurs!

La fillette était heureuse, sincèrement heureuse de pouvoir revoir celui à qui elle tenait presque autant à coeur que son parrain.Elle glissa sa main dans celle de l'adulte et le suivit, lui faisant absolument confiance. Il les entraina dans un coin du hall et les fit asseoir.

Citation :

Alors, racontes moi tout! Que deviens-tu?

Elle sourit, prenant Gaby sur ses genoux.

- Bah, j'ai rencontré pleins de gens, j'apprend un peu à me défendre avec mon bâton, je deviens forte, et puis sinon j'ai continué mon apprentissage pour les herbes et puis j'ai fait une comme échoppe pour montrer aux grands que je suis assez grande pour aller en voyage, parce qu'ils veulent pas que j'aille en voyage toute seule. Et puis je suis contente que parrain il se marie. Je crois que c'est tout. Et toi, pourquoi je te vois plus? Parce que ça fait longtemps. Pourquoi tout le monde dit que tu te caches? Moi tu me manques et je veux pas que tu partes sans me dire au revoir, parce que c'est pas gentil.

Le flot de paroles se tut enfin, et la fillette regarda Crox.

Il lui expliqua qu'il jouait à une sorte de cache-cache géant, mais la fillette n'était pas dupe. Elle avait entendu trop de choses pour le croire. Elle hocha la tête en silence, songeant que Crox se cachait pour une autre raison. Il ajouta:

Citation :

Voilà notre petit secret. Je ne suis pas vraiement loin, mais personne ne me trouvera. Et ce, parce qu'ils ne me chercheront pas dans le coin.

Elle fronça un peu les sourcils et comme dans un geste mécanique, tourna entre ses doigts le pendentif que lui avait offert Yvane un mois plus tôt. Crox regardait Gaby d'un drôle d'air, comme s'il ne le reconnaissait pas.

- Bah... Mais c'est Gaby. Tu le reconnais pas? T'es tombé sur la tête ou quoi? C'est le mariage de Ode et Kiss.

Maelle regarda Gabriel sur les genoux de son oncle. Elle était contente de revoir Crox, elle sentait comme un soleil dans son coeur.

Citation :

Dis moi, Maelle : tu en prends soin, hein? Il faut pas trop le traumatiser, sinon il finira soldat!

Maelle allait lui répondre quand elle entendit des bruits de pas dans le couloir. Elle prit la main de Crox et le tira.

- Vite, il faut que tu te caches!

Elle reprit le petit dans ses bras et se leva, laissant passer Crox.

Maelle, tenait toujours le garçonnet contre elle au moment où Yvane déboula dans le grand hall. Crox, semblant l'apercevoir, partit en courant. Elle regarda les deux hommes et se retint contre le mur lorsqu'Yvane, courant après Crox, la bouscula. Elle les regarda surprise. C'était vraiment comme un grand cache-cache dis donc! Elle Fit un bisou à Gaby qui commençait à pleurer. Elle jeta un coup d'oeil vers les grandes portes du hall. Peut-être que le mariage était fini? Il allait falloir retourner près de la chapelle, sinon Ode et Kiss allait un peu s'inquiéter. Elle entendit les cloches sonner. Dans le même temps, Yvane revint dans le hall. Elle ne dit rien, fronçant juste un peu les sourcils. La rumeur comme quoi un certain nombre de personnes en avait après Crox, lui revint en mémoire de plein fouet en voyant la lame courbe d'Yvane. Elle se dirige vers les portes du hall et sortit.

Maelle entra de nouveau dans le grand hall, en compagnie de Malou. Elle lui tenait toujours fermement la main, rassurée de la présence de l'adulte et puis d'avoir laissé Gaby là bas. Elle voulait pas qu'il arrive quelque chose au petit garçon. Elle balaya le grand hall du regard. Crox avait disparu bien sûr et Yvane était un peu plus loin.

Ju avait suivi la petite, sa main serrant fermement la menotte. Entrées dans le grand hall, elle eut du mal à s'adapter à l'obscurité alors elle arrêta leur progression une minute et regarda Maëlle, clignant des yeux. Alors ma belle où va-t'on ? C'est ici que tu as vu.. l'homme ? Ju retint le nom de Cro juste au bord des lèvres.

Malou en avait des bonnes. L'homme? Lequel était-ce? Puis la petite haussa les épaules mentalement, se disant que de toute manière elle avait vu les deux ici, alors tant pis.

- Oui, c'était ici, mais je le vois plus.

Elle lâcha la main protectrice pour s'avancer dans le hall, ses yeux s'étant adaptés à l'obscurité plus sombre qu'à l'extérieur. Elle se rapprocha d'Yvane qu'elle avait aperçu un peu plus loin. La lame était rangé à sa taille, il semblait bien moins menaçant à présent. Elle s'adressa à lui.

- Toi aussi tu joue à cache-cache avec Crox?

Ju sentit la main enfantine glisser de ses doigts alors que le corridor devenait moins sombre à ses yeux. Elle s'adaptait... C'est d'un pas mesuré qu'elle suivit l'enfant, clignant un peu parfois encore des paupières, jusqu'à ce que Maëlle s'arrête devant un homme et engage la conversation... un homme au teint cuivré.

Ju cligna des paupières à nouveau, mais d'étonnement cette fois, et une main couvrit sa bouche alors que l'autre se posait sur son ventre rond. Geste des plus instinctifs et involontaires s'il en était. Finalement elle ravala son hoquet et réussit à reprendre la main de Maëlle afin de la tirer doucement vers elle. D'un pas protecteur, elle se plaça devant l'enfant. L'homme, qui avait du s'apercevoir de la surprise causée, se hâta de se présenter, poliment. Il usa même d'une inclinaison respectueuse de la tête et alors qu'il se relevait, Ju en profita pour accrocher son regard. C'était là qu'elle saurait tout.

Elle resta plusieurs secondes ainsi, ses yeux gris rivés dans ceux de l'homme, questionnant, fouillant, devinant qu'il n'était pas tout à fait un étranger... Elle se souvint alors de lui. Maëlle lui en avait parlé, il y avait plusieurs semaines déja. Elle l'avait rencontré dans une clairière peut-être, et l'homme lui avait fait présent d'un collier. A cette évocation Ju avait bondi et expliqué à Maëlle qu'on n'accepte pas les présents d'inconnus... des hommes surtout. Maëlle n'était pas femme encore, mais plus tout à fait une enfant non plus et ça se laissait deviner.

D'un timbre légèrement rendu rauque par l'inquiétude d'une mère, comme dans un feulement, la voix de Ju se fit entendre, sans que Maëlle puisse vraiment saisir ses propos :

Messire... Yvane, vous dîtes n'avoir jamais mordu, c'est entendu. Entendez donc également qu'il m'est des choses précieuses, et que pour ces choses là, je déchirerais des chairs de mes dents, à plusieurs reprises s'il le fallait.

Ju le regarda encore quelques secondes, comme pour s'assurer qu'il avait bien saisi ses propos et enfin baissa le regard sur Maëlle et sema un baiser dans ses cheveux noirs. Revenant à l'homme, un sourire charmant s'afficha et elle se présenta à son tour : Je suis Jusoor... souvenez-vous en. Puis baissant son regard pour jauger l'homme rapidement, elle arqua un sourcil.

Vous êtes armé Messire ? Dans ce domaine ? Etes-vous donc de ses gardes ?

La fillette avait écouté avec attention les échanges entre les deux grands. Elle n'avait pas vraiment peur d'Yvane, elle n'était juste pas très rassurée de l'avoir vu courir après son ami. Elle tenait la main de Malou, un peu en retrait derrière la jeune femme. Yvane ayant fini de parler avec Malou s'accroupit vers elle et lui adressa la parole, lui expliquant qu'il avait un sac de noix pour elle. Maelle adorait les fruits secs et la tentation était forte. Elle jeta un coup d'oeil vers Malou afin de savoir si elle était d'accord, avant d'avancer de quelques pas pour prendre le sac.

- Merci.

Elle sourit à l'homme, avant de reculer d'un pas, s'appuyant contre Malou. Elle reprit alors la parole:

- Eh alors tu l'as pas retrouvé Crox? Pourquoi il joue à cache-cache depuis presque des mois?

Sur cette dernière question elle se tourna vers Malou.

Ju regarda l'homme s'accroupir pour donner un paquet à Maëlle et ne put s'empêcher d'arquer un sourcil mécontent. Ca avait beau être des noix, un homme qui fait des cadeaux à une jeune fille en fleur sans intention particulière... ça tient du miracle. Et elle avait déja prévenue Maëlle. Mais Moineaute avait l'esprit trop plein d'autres choses pour laisser échapper une quelconque remarque. En outre, la petite était innocente, inutile de se montrer insistante au risque de l'effrayer.

Ce que lui dit la petite alors en la regardant, l'homme que Ju croyait mort, recherché apparemment, la fit frémir imperceptiblement. Après une seconde d'hésitation elle regarda l'homme se redresser. Un teint cuivré assurément, effrayant ou singulier sans doute, plaisant peut-être, intriguant pour sûr... Les yeux s'arrêtant sur l'arme à sa ceinture elle reprit :

Dîtes Messire... Je suis bien intriguée, curieuse même vous avouerais-je de connaître la raison de votre présence en ce domaine. Ju sourit, d'un de ces sourires qu'elle savait désarmant. Je ne pense pas me tromper en avançant que vous n'êtes pas apparenté aux Volvent... ou bien par une branche très lointaine... Quelque chose de particulier qui vous attire ici même ?

Ju aurait presque essayer de battre des cils à l'intention du cuivré, juste pour voir s'il était ausi facile à convaincre qu'un Françoys.

Ju était consternée. Consternée d'entendre que Cro pouvait être en vie encore. Elle se sentit lacher les doigts de l'enfant. C'était impossible, purement et simplement.

Que Maëlle ait encore des mots concernant son ami, elle pouvait le comprendre, elle était une enfant et ne concevait sans doute pas la mort comme les adultes encore. Mais que le cuivré entretienne les tendres espoirs de Maëlle fit violemment battre le coeur de Ju. Bon sang ! Mais pour qui se prenait-il ? La colère prenait insidieusement place en elle, repoussant la consternation d'entendre encore évoqué le nom de Cro. Ju ne put retenir plus longtemps les mots qui se pressaient contre ses lèvres, des mots qu'elle cracha.

Par le sang de Dieu, allez-vous arrêter de raconter des contes à Maëlle ? Ju planta son regard orage dans les yeux du cuivré. Croxanvic n'est plus ! Emporté par je ne sais quelle maladie, entraînant lui même sa mort peut-être ! Mais quelle ignominie que de parler de lui encore !

Sa voix emplissait l'air, montait dans les aigüs. Ju s'emportait, de deux mains elle repoussa l'homme. Réaction plus qu'incontrolée, mais Ju ne connaissait pas les demies mesures et surtout, elle s'apercevait que cette colère n'était pas uniquement dûe à ce que l'on pouvait faire croire à Maëlle, mais plutôt que ce qu'elle avait cru jusqu'ici, et qui l'avait soulagée, ne soit que mensonges en réalité.

Le sang faisait bien vite le tour de son corps de Moineaute, bien qu'arrondie. La stupeur chassait maintenant la colère qui l'avait ravagée. Ultime effort, ébat pour garder la tête hors de l'eau alors qu'elle gardait les yeux rivés sur l'homme.

La fillette écoutait attentivement la conversation. Elle sentit que les doigts de Malou se desserrait de sa main. Elle leva les yeux vers elle, un peu inquiète. Puis Malou se mit à parler, vite, haché, criant. Paniquée, Maelle regarda sa mère adoptive, se demandant ce qui se passait. Puis certains mots lui firent ouvrir grands les yeux. On lui avait bien dit que Crox était mort, qu'elle ne le verrait plus, mais elle ne l'avait jamais cru. Et là, elle l'avait vu, elle lui avait parlé.
Elle regarda les deux grands, tour à tour, les yeux brillants de larmes. Comment pouvait on dire qu'il était mort alors qu'elle l'avait vu?
Elle tira doucement sur la manche de sa Malou pour attirer son attention.

- Malou, moi je l'ai vu...